Monsieur Nô
Jean Nô a commencé la musique dans une petite ville du bourbonnais, où il a été, pendant quelques années professeur de clarinette au conservatoire.
Il fait en parallèle des études classiques à l’École normale de musique de Paris, où il finit par s’y installer où il joue dans des cabarets, suivant les conseils et les ateliers d’écriture de Claude Lemesle et participant avec un petit groupe d’auteurs-compositeurs, les « Stylomaniaques », à des « challenges » consistant à écrire en 2 heures, le temps d’un spectacle, une chanson (paroles et musique) sur un thème imposé par le public.
Jean Nô adore le music-hall et se produit avec ses musiciens, souvent dans le théâtre l’Européen, à Paris.
Il devient animateur sur Canal J, chaîne pour les enfants, et ce travail avec les enfants l’amène à faire des tournées avec les JMF, entre autres.
Parallèlement, reprenant à son compte l’idée des « Stylomaniaques », c’est-à-dire l’écriture d’une chanson sur un thème donné en un temps donné, et en l’adaptant aux enfants, il propose « Chansons en création » dans les écoles élémentaires, des représentations où il pratique l'improvisation et l'écriture spontanée avec les élèves et leurs enseignants.
Bonjour Jean,
Vous avez commencé très jeune à enseigner la clarinette dans une petite école de musique dans l’Allier, et l’avez quitté à 28 ans. Est-ce que ce travail avec les enfants a eu des conséquences dans la suite de votre parcours ?
Oui, dès l’âge de 19 ans, ce premier contact avec les enfants par le biais de l’enseignement de la clarinette et du solfège s’est fait naturellement et m’a donné confiance. J’ai toujours eu des échanges simples et fluides avec les enfants et le passage des écoles de musique aux écoles tout court ne m’a posé aucun problème.
Arrivé à Paris vous êtes devenu chanteur pour les enfants, travaillé à canal J, fait des tournées avec le JMF.
Cette première période de ma vie artistique parisienne a été très palpitante, un peu stressante aussi, car je me demandais bien comment j’allais me faire une petite place dans ce monde du spectacle que je découvrais. Finalement, assez rapidement, j’ai eu l’opportunité de partir en tournée avec un spectacle produit par les Jeunesses Musicales de France, et l’année d’après, suite à un casting, je suis devenu animateur sur la chaîne câblée CANAL J . C’est le fil rouge des activités liées aux enfants qui perdurait.
Je décidais alors de monter mon premier spectacle personnel sous le nom de Monsieur Nô, et pendant 10 années, accompagné de mes musiciens, nous nous sommes produits dans les théâtres, centres culturels, festivals, aux quatre coins de France, en faisant régulièrement des étapes parisiennes dans le théâtre L’EUROPEEN que j’affectionnais particulièrement.
A partir de 2000 vous intervenez dans les écoles pour faire un travail de création.
Si j’ai bien compris, au début de votre expérience vous essayiez de trouver les idées sur le moment. Mais maintenant vous coopérez avec les enseignants en amont.
En parallèle des représentations que je jouais en tournée, on me demandait souvent d’aller rencontrer en proximité les élèves d’une classe, pour répondre à leur curiosité concernant le métier de musicien/chanteur. J’ai finalement préféré modifier le mode de nos rencontres pour le transformer en sessions « Chansons en création », consistant à créer une chanson, paroles et musique » sur un thème préparé en amont par les élèves et leur enseignant (chant, thématique, vocabulaire, expressions, informations historiques ou techniques, etc… ) .
Comment procédez-vous ensuite pour créer les chansons ? Vous créez les textes avec les enfants, et pour la musique ?
Sur le temps de 2 demi-journées avec un binôme de 2 classes, nos échanges donnent naissance à une chanson que j’improvise en tenant compte le plus possible des propositions, des suggestions des élèves, comme une boîte de puzzle ouverte devant moi et dans laquelle je pioche les pièces qui me semblent utiles et que j’assemble en écrivant au tableau, tout en expliquant aux enfants les nécessités et les contraintes de ce genre d’exercice. Nous cherchons les rimes, nous comptons le nombre de syllabes, etc…
Il faut effacer, recommencer plusieurs fois jusqu’à ce qu’une formule intéressante semble fonctionner. Il suffit parfois de 3 ou 4 vers, une « punch line », souvent c’est le refrain qui apparaît en premier. Je saisis alors ma guitare pour chercher la mélodie et le rythme qui conviennent, j’improvise, je fais plusieurs tentatives et quand la formule musicale semble à peu près fixée, elle est immédiatement reprise par les élèves qui prennent alors conscience qu’une chanson est en train de naître. Et nous avançons ainsi, paroles et musique en parallèle.
Quel est l’aboutissement de chaque projet? Spectacle, CD?
Suite à une session de création, j’enregistre dans mon studio une version témoin (guitare voix) de la chanson que je mets à disposition des élèves pour qu’ils puissent l’apprendre et la mémoriser par mimétisme en se calant sur ma voix. Quelques semaines plus tard, avec un ingénieur du son, nous revenons pour la phase d’enregistrement qui nécessite une demi-journée par chanson. Nous enregistrons les élèves en formation chorale, mais aussi quelques voix individuelles des élèves les plus motivés et qui chantent avec le plus d’aisance. Toutes les séquences vocales enregistrées sont ensuite rassemblées au mixage et un accompagnement musical/orchestration est créé par les musiciens avec lesquels je travaille.
Qu’est-ce que ce travail apporte aux enfants?
Les élèves prennent conscience des difficultés et de l’exigence que nécessite le travail de création. Ne pas se satisfaire d’une première version, effacer, recommencer plusieurs fois si nécessaire jusqu’à ce que chaque pièce du « puzzle » semble parfaitement à sa place
En ce qui concerne la phase d’enregistrement, les enfants découvrent toute la partie technique, micro, casque sur les oreilles , et là aussi, ils se rendent compte combien il est important d’être concentré, de bien articuler, de respecter la mélodie, etc…
Certains projets se terminent par une troisième étape, la restitution publique, en formation chorale, accompagnée par des musiciens.
Comment vous est venue la merveilleuse idée «Les enfantastiques»?
Depuis 20 ans, environ 700 chansons ont été créées ainsi dans des écoles en France et à l’étranger (Belgique, Suisse, Espagne, Pays-Bas, Etats-Unis …) et précieusement archivées.
Dans un deuxième temps, afin de mettre à disposition de la communauté éducative celles qui me semblent le plus réussies et intéressantes, je prends régulièrement l’initiative de la production d’un album thématique regroupant une quinzaine d’entre elles. Ainsi est née la COLLECTION LES ENFANTASTIQUES ; à ce jour, 250 chansons rassemblées dans 15 albums disponibles en cd et aussi sur les plateformes de streaming, chaque chanson ayant aussi son clip vidéo publié sur youtube (170k abonnés, 60 millions de vues) . Les versions PB instrumentales sont incluses, à disposition des enseignants, ainsi que les recueils de partitions.
Parallèlement, certaines de ces chansons ont été adaptées en plusieurs langues:
anglais : THE FANTASTIKIDS
, espagnol : LOS FANTASCHICOS
, allemand : DIE FANTASTIKINDER
, arabe : AL ATFAL LOUMAA
, chinois : XING JI SHAO NU
2004-2024, nous fêtons cette années le 20° anniversaire de la création de ce projet.
Quels sont les retours des enfants, et des enseignants?
Dès la parution du 1er volume de la collection, que je pensais au départ être une expérience unique, j’ai eu des retours très positifs de la part de la communauté éducative, ce qui m’a donné l’impulsion et encouragé pour la production du volume 2, puis 3 … L’idée de la collection s’est alors imposée à moi au point d’arrêter les tournées avec mes musiciens pour me consacrer entièrement à la création et à la réalisation de ce nouveau répertoire qui est maintenant chanté dans la plupart des écoles élémentaires.
Quels sont vos projets d’avenir?
Suite à la parution des 15 albums thématiques et aux versions en 5 langues, j’ai décidé de reprendre la route, en tournée, avec un nouveau spectacle « Monsieur Nô » au cours duquel j’interprèterai les chansons les plus connues des « Enfantastiques » C’EST DE L’EAU, LE TOUR DU MONDE EN 80 JOURS, LA VIE C’EST COMME UN JARDIN, Y’EN A ASSEZ POUR TOUT LE MONDE, etc… Je souhaite proposer un spectacle interactif où le public se transformera en chorale Enfantastique. A suivre …
Merci beaucoup pour cet échange.
Les enfantastiques est une collection composée actuellement de 15 albums en français, 230 chansons, 250 vidéo-clips sur youtube (50 millions de vues)
Ce répertoire est utilisé comme support pédagogique au chant choral dans les écoles et Conservatoires en France, Belgique, Suisse, Québec, ainsi que dans des écoles internationales de nombreux autres pays, véhiculant ainsi auprès des enfants, de façon ludique et joyeuse, des idées citoyennes, humanistes et solidaires.
